La modernité y coulait son râle
- Le 07/06/2016
- Dans Joyeuse sédition selon Matthieu
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Il avait un regard étrange, taché de guerres avec un sourcil comme une plume qui gardait la trace d’une ancienne douceur dont il ne détenait plus aucune preuve. Une cicatrice abimait sa joue. Il avait le parfum des cigarettes, des décisions rapides et la persistance de [la forêt], comme un leitmotiv d’aventure. Derrière la vitre, derrière le filtre opaque de la pluie, il avait senti assez de forêts pour briser une tempête. Il avait attendu là, dans le silence du café qui passe lentement. Les fumerolles de la tasse, la lueur d’un soleil ocre de fin de journée, semblaient uniquement là pour adoucir l’agressivité toute militaire de son arrogante virilité. Il était resté ainsi jusqu’au cri du milan, vers 17h.
Dans une économie de paroles et de gestes, encombré d’une sorte de solitude un peu fatiguée - celle des moines, des taulards et des soldats en embuscade - il quitta la salle qui sentait la cantine chronométrée des lycées militaires. Il dit au revoir au patron du bar, comme ça, comme un adieu. Il disait toujours au revoir de cette manière polie, distante. A tout prendre cela ressemblait à de la gentillesse pour qui n’y prêtait pas attention. Une fille lui lança un regard effronté qui se voulait une invitation au voyage. « Ongles noirs et cheveu gras, la voilà la bohème », pensa-t-il. Dehors il se mit droit, face au vent, comme sous le feu, sanglé de courage, les pensées striées de blessures.
Il s’enfonça sur une piste embrumée qui suivait le torrent glacial, la modernité y coulait son râle, lui son espérance de renaissance.
forêt Aventure Attitude Civilisation
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